Depuis un peu plus d’un an, un groupe de lecture se réunit chaque mois à la Bibliothèque publique de Neuchâtel (BPUN). L’occasion de savourer des livres, mais aussi de goûter à la vie sociale du lieu.
On n’entend d’abord que le bruissement des pages et la voix calme de la bibliothécaire. Alors que Muriel Roulet lit la description des personnages, l’ensemble des participant·e·s écoutent avec des visages concentrés. D’un geste circulaire, elle leur présente les illustrations de manière à ce que chacun·e ait le temps de s’y plonger. On y croise des hippocampes, des requins, des coraux multicolores et des sirènes énigmatiques.
D’un geste circulaire, elle leur présente les illustrations de manière à ce que chacun·e ait le temps de s’y plonger.
« L’océan aux 100 abîmes » est le livre choisi par l’un des participants pour la lecture du jour. C’est un album-jeu interactif. Coincés sous l’eau, les personnages ne termineront l’aventure avec succès que grâce à la résolution des défis proposés au fil de l’histoire. Par exemple, une double page montre de magnifiques méduses géantes dont il faut compter les tentacules. Ou alors, il faut détecter une harpe cachée parmi moult objets enfouis au fond de l’eau.
Esprit d’équipe
La bibliothécaire expose les défis avec finesse et bonne humeur, puis donne à chacun·e l’opportunité de participer. Peu à peu, les membres du groupe se laissent gagner par l’esprit ludique de l’ouvrage. Ils et elles se penchent pour examiner les images, pointent du doigt des détails, émettent des hypothèses et se concertent. En fonction de leurs réponses correctes ou incorrectes, ils et elles progressent plus avant dans les pages ou sont forcé·e·s de revenir en arrière.
Ils et elles se penchent pour examiner les images, pointent du doigt des détails, émettent des hypothèses et se concertent.
L’atmosphère devient joviale. Fierté et yeux pétillants pour qui trouve une bonne réponse. Et rires collectifs quand un·e participant·e commente les défis par ses boutades rigolotes. Le groupe s’impatiente parfois d’être renvoyé une énième fois en arrière pour cause de mauvaise réponse, d’autant qu’une certaine fatigue finit par se fait sentir. « Bon, là, on disait qu’on avait trouvé tous les médaillons, hein ! », propose l’un des participants, approuvé à l’unanimité. « Des fois, il faut bien tricher un peu », glisse un camarade, déclenchant l’hilarité autour de la table.
Propice à la discussion
L’aventure achevée, Muriel Roulet demande si cela leur a plu. « C’était chouette ! Bon, au bout d’un moment c’était un peu long… », répond Ophélie Fischer, qui découvre ce genre d’ouvrage interactif pour la première fois. « Il faut prendre le temps, parce que si tu réponds trop vite, tu te retrouves à tous les coups à la page 6 ! », conseille Semere Yacob, qui a choisi ce livre et en est fin connaisseur. « Très intéressant, ton bouquin ! Ça fait rêver. Ça pousse à réfléchir, à chercher… », commente Didier Etienne. « Je regarde beaucoup d’émissions sur les animaux, je suis un passionné », poursuit-il, en allusion à toutes les bêtes aquatiques observées dans ce livre.
C’était chouette ! Bon, au bout d’un moment c’était un peu long…
De là, le groupe se met à disserter sur la meilleure attitude à adopter si l’on se trouve confronté à un requin. Puis il aborde le thème des expéditions-nature, Mike Horn, les icebergs… Quand la séance arrive à son terme et après consultation des agendas, rendez-vous est pris pour début juin, même heure. Sur le pas de la porte, les participant·e·s commentent encore la météo ou l’exposition affichée sur les murs du couloir, et prennent des nouvelles les un·e·s des autres.
Une bibliothèque ouverte à chacun·e
Ces rencontres mensuelles sont mises sur pied par Muriel Roulet et l’éducatrice Dilek Kaplan, qui travaille au Service Ambulatoire Adulte de la Fondation Les Perce-Neige dans le canton de Neuchâtel. Il y a eu « Le Petit Prince », les contes de Maupassant, ou encore un livre d’anecdotes historiques. « Chaque séance donne lieu à des discussions riches », s’émerveille la bibliothécaire. « C’est un autre rythme. On prend le temps de réfléchir, de se parler. » C’est aussi l’occasion de découvrir des trésors de la BPUN. Un jour où le livre était lié à la Chine, le directeur de la bibliothèque est venu déployer une immense peinture chinoise ancienne.
C’est un autre rythme. On prend le temps de réfléchir, de se parler.
Pour les participant·e·s, qui vivent dans leur propre logement, ce type d’activité est une belle opportunité de sortir de chez eux·elles et voir du monde, note Dilek Kaplan. « Au début, ils avaient peur d’être rejetés, ils croyaient que c’était ‘un lieu réservé aux gens qui savent très bien lire et écrire’ », se souvient-elle. Or, la bibliothèque est ouverte à tous et toutes, souligne Muriel Roulet. « Chacun·e peut venir et bénéficier de tout : trouver des livres, utiliser internet, faire des photocopies, nouer contact avec les gens… » De fait, les participant·e·s se sont familiarisé·e·s avec le bâtiment et avec le personnel. Certain·e·s y retournent pour emprunter des livres.