Avec désormais quelques années de recul, la revue Pages Romandes est revenue sur la pandémie de COVID-19. Retour sur cette période particulière à partir de trois perspectives différentes.
Le point de vue d’une maman
Durant le confinement, Matteo était apaisé, tranquille, à la maison, toujours avec sa maman ou son papa qui télétravaillait. Nous sortions très peu, ce qui avait un côté rassurant pour lui. En revanche, la reprise a été compliquée. Il était étonné de voir que les ateliers n’étaient ouverts que pour les personnes les « moins vulnérables ». Il ne comprenait pas pourquoi certains copains n’étaient pas présents et semblait inquiet de ne pas savoir s’il allait les retrouver. En plus, il fallait intégrer de nouvelles règles d’hygiène, mettre le masque, manger séparément et non plus au réfectoire.
La reprise de l’après-confinement a été vraiment dure.
Les nuits à la Fondation St-George ont repris bien plus tard et l’organisation avait changé. Peu de temps après la reprise, Matteo a intégré un nouveau foyer pour des personnes plus autonomes. L’équipe s’est rapidement aperçue que ce foyer ne lui correspondait pas et lui a fait réintégrer son foyer précédent. Mais, là aussi, le personnel avait changé en raison de la restructuration, le responsable n’était plus le même non plus. Ce foyer ne lui convenait plus. Cela a été un moment très pénible pour Matteo, il n’était plus motivé à y aller et avait un comportement très agité, il était très nerveux. La reprise de l’après-confinement a été vraiment dure. Maintenant Matteo est intégré dans un autre foyer, beaucoup plus adapté à son besoin de bouger.
Véronique est la maman de Matteo, jeune adulte porteur d’une déficience intellectuelle moyenne. Matteo travaille en atelier protégé la journée et dort deux à trois nuits par semaine en institution.
Le point de vue d’une responsable de foyer
Nous avons dû nous réorganiser du jour au lendemain. Les éducateurs sociaux ont été répartis dans les foyers, ce qui a eu pour effet d’augmenter le nombre du personnel accompagnant. C’était intéressant pour les membres de l’équipe éducative qui ont pu découvrir les résidents dans des moments de journée où, habituellement, ils n’étaient pas sur les foyers.
Nous avons dû nous réorganiser du jour au lendemain.
Les éducateurs sociaux des ateliers ont quant à eux eu l’opportunité d’accompagner les résidents dans tout ce qui était en lien avec les soins. Nous avons en outre pu observer que le fait de ne plus avoir les contraintes d’horaires et d’ateliers correspondait mieux aux besoins de certains résidents. Pour certains, c’était bien sûr difficile de ne pas pouvoir sortir, mais globalement nous avons réussi à trouver un équilibre.
Nous avons pu découvrir leurs multiples ressources et leurs capacités d’adaptation à une nouvelle réalité. Nous avons également développé l’usage de la visioconférence. Ces moments d’échanges avec les familles étaient très attendus. C’était une nouvelle découverte pour nous et nous utilisons encore ces moyens technologiques aujourd’hui. Lorsque les activités ont repris, la difficulté pour certains a été de devoir se remettre dans un rythme, avec des horaires réguliers.
Je retiens de cette période la très grande adaptabilité dont ont fait preuve les résidents, ainsi que les collaborateurs
Je retiens de cette période la très grande adaptabilité dont ont fait preuve les résidents, ainsi que les collaborateurs. Cela a été l’occasion également de découvrir les résidents autrement. Un très grand soutien mutuel et une grande solidarité entre les différents secteurs ont également émergé durant cette période.
Joanne Rousteau est responsable de foyer à la Fondation St-George à Yevrdon-les-Bains.
Le point de vue d’un résident
Au départ c’était très dur, ça me tombait sur le moral. Je n’avais plus d’énergie, plus rien, on m’aurait donné une paire de gifles que je n’aurais même pas réagi ! J’en pleurais tellement, j’avais le moral à zéro ! J’ai même eu des envies suicidaires, c’était violent.
J’en pleurais tellement, j’avais le moral à zéro ! J’ai même eu des envies suicidaires, c’était violent.
En 29 ans ici, c’est la pire chose qui me soit arrivée, c’est vraiment ce que je pense. Pendant la pandémie, je n’avais plus le courage d’aller travailler… alors j’ai arrêté et je me suis mis à écrire un texte sur la COVID. Ça m’a fait du bien et ça m’a permis de me retrouver, de calmer le rythme.
J’ai aussi pu travailler le violoncelle deux heures par jour alors que d’habitude je n’ai jamais le temps. J’ai préparé une audition. Ça me permettait d’avoir un projet, un but.
Actuellement, on est dans la huitième vague, mais je me sens plus serein. Je suis heureusement bien remonté.
Arnaud Zighetti est interne depuis 29 ans à l’institution St-George à Yverdon-les-Bains.
L’article dans sa version intégrale est parue dans le numéro 09/2022 de Pages Romandes, commandable par email à sarah.cornaz@bluewin.ch
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