Non, l’école inclusive n’est pas « un véritable échec »

Auteur

Thomas Thentz

Publié le

Remettre en cause l’école inclusive, c’est l’une des propositions adoptées par le PLR lors de son assemblée des délégué·e·s du samedi 22 juin 2024, dans son papier de position sur l’école obligatoire.

Accompagnée d’une quinzaine de « champs d’action » supplémentaires, visant à rendre la scolarité « équitable et orientée vers l’avenir », la  prise de position du président du PLR Thierry Burkart est inacceptable. D’autant plus si l’on considère les réflexions qui l’ont conduit à celle-ci. Largement relayées par la presse suisse la semaine dernière, elles montrent une profonde méconnaissance en la matière. Combler ces lacunes et rétablir les faits est la responsabilité d’insieme Suisse.

 L’école inclusive est un véritable échec 

La mise en œuvre de l’école inclusive est le fruit de dispositions contraignantes du droit international (art. 24 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées) et national (art. 8 de la Constitution et art. 20 de la Loi sur l’égalité pour les personnes handicapées). La priorité d’une scolarité inclusive sur une scolarisation séparée a souvent été confirmée par le Tribunal fédéral. Les cantons sont donc tenus d’encourager l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, et de trouver des solutions adéquates pour ce faire.

Ainsi, le canton du Tessin a généralisé les classes inclusives au niveau primaire depuis les années 2010, sans impact négatif sur son système scolaire. Selon les tests PISA, les résultats des élèves tessinois·e·s sont même en moyenne supérieurs à ceux de leurs camarades du reste de la Suisse.

Nombre d’autres exemples prouvent que l’inclusion scolaire fonctionne. C’est notamment le cas dans cette classe vaudoise de 6P, qui a misé sur le co-enseignement. Ou encore dans cette école de Bürglen (TG), où l’ensemble de l’enseignement primaire a été repensé en vue de l’inclusion, y compris l’organisation spatiale des classes.

Nombre d’exemples prouvent que l’inclusion scolaire fonctionne en Suisse. © insieme Suisse / Antoine Tardy

La majorité des professeurs partage cet avis 

Dans la pratique, l’inclusion scolaire peut impliquer des difficultés pour le corps enseignant. Affirmer, sur la base d’une étude prenant en compte un seul canton, que la majorité des enseignant∙e∙s souhaite supprimer l’école inclusive est toutefois erroné. En janvier 2023, le syndicat des enseignant∙e∙s
suisse-alémaniques publiait ainsi une prise de position visant à apporter son soutien renouvelé à cette dernière.

Les élèves plus forts sont laissés pour compte  

Les recherches démentent cette fausse croyance qui, par crainte ou méconnaissance, est souvent mise en avant. Les « élèves plus forts » font les mêmes progrès, indépendamment qu’ils et elles fassent partie d’une classe inclusive.

L’important, c’est que les enfants aient confiance en eux 

L’inclusion permet de développer les compétences scolaires des enfants vivant ou non avec un handicap. Des études mettent en avant ses bénéfices sur le développement des enfants ainsi que sur le renforcement de compétences fondamentales pour la cohésion sociale, telles que l’altruisme et l’empathie. Le développement de ces dernières a assurément une influence positive sur la construction des enfants et leur confiance en eux.

Même avec plus de moyens, nous n’aurions pas atteint les objectifs 

Le monde politique, dont le PLR, ne s’est pas donné les moyens de ses ambitions. Une nette et urgente augmentation des moyens financiers alloués à l’école inclusive est nécessaire. Cela afin de permettre la création de nouveaux postes et l’engagement de personnel spécialisé.

Le manque de moyens alloués aux établissements scolaires est précisément le nœud du problème. Tout comme le peu de soutien accordé au corps enseignant et à l’ensemble des spécialistes impliqués dans la scolarité inclusive. Transférer les budgets destinés à l’éducation spécialisée à l’inclusion en milieu scolaire ordinaire est sans aucun doute un facteur de réussite de cette dernière.

 

En 2024, l’inclusion scolaire ne doit plus être une « expérience » pouvant être remise en question en fonction des vues d’esprits des un·e·s ou des autres. Ou pour servir des desseins politiques et des besoins d’économie. Dix ans après la ratification de la CDPH par la Suisse, il est temps que cette dernière soit pleinement respectée et mise en œuvre. Oui, la transposition dans la réalité de l’école inclusive nécessite des ressources et des moyens. Mais aussi une écoute et un soutien aux professionnel·le·s de l’éducation, trop souvent laissé·e·s pour compte. L’école inclusive ne doit pas être reléguée dans le futur : elle doit se donner aujourd’hui les moyens de ses ambitions.