Un musée à domicile

Auteur

Martine Salomon

Publié le

Des ateliers hors des murs et faciles à comprendre pour voyager dans l’histoire de la céramique : voici ce que propose l’Atelier 1001 feuilles en partenariat avec le Musée Ariana à Genève. Quatre médiatrices et médiateurs culturel·le·s avec et sans handicap font voyager une malle pédagogique et sensorielle. 

Ses roulettes font grincer le parquet en entrant dans la salle. Son imposante silhouette rectangulaire est enveloppée d’une couverture rouge carmin. Lorsque l’étoffe est retirée d’un geste ample, on s’attend à voir l’attirail d’un prestidigitateur. Point de lapin ni de paillettes ne se trouvent pourtant dans cette grosse malle brune. Mais celle-ci promet une autre forme de magie au fur et à mesure que se dévoilera son contenu.

Bien calé dans le couvercle de la valise qui est ouvert sur la gauche, voici le portrait d’un homme moustachu aux cheveux blancs. « Gustave Revilliod était un voyageur. Il achetait beaucoup d’objets d’art et de sculptures. Il s’est dit qu’il fallait exposer cette collection. Comme il manquait de place chez lui, il a fait construire le Musée Ariana », explique Filipe Ambriel Machado, médiateur culturel de l’Atelier 1001 feuilles. Ainsi, 150 ans plus tard, cette ancienne malle de voyage recelant des objets variés fait admirablement écho aux passions du fondateur du musée.

Moments soyeux et parfumés

Sa partie droite est structurée en six compartiments, recouverts de papiers peints fleuris formant un patchwork raffiné. Filipe Ambriel Machado ouvre délicatement l’un des clapets. D’un écrin en velours noir, il sort un petit bol de porcelaine qu’il fait circuler parmi les participant·e·s pour leur faire admirer ses décorations colorées. Puis il rappelle l’expertise des Chinois dans la fabrication de la porcelaine, historiquement très appréciée par les riches Européens. Sur une pancarte géographique, on voit les longs trajets terrestres et maritimes par lesquels les marchands d’autrefois faisaient venir les marchandises de luxe de l’Asie vers le continent européen. Nommer la route de la Soie est l’occasion d’évoquer d’autres produits de luxe qui suivaient le même trajet : un deuxième clapet est ouvert pour montrer des étoffes. Chacun·e peut alors tâter un foulard en soie et apprécier sa douceur.

« Aha, une odeur m’est familière ! Ça me rappelle mon enfance », s’exclame soudain Filipe Ambriel Machado, en mimant un air perplexe. Il ouvre un troisième clapet, faisant apparaître une série de jolies boîtes. Il en ouvre une et interpelle son collègue Frédéric Kessler, faisant mine de demander son aide pour trouver le nom de cette épice. Ce dernier hume le contenu, réfléchit, puis lance avec assurance : « Je pense à du gingembre ! » Avec humour et sens théâtral, tous deux prennent visiblement plaisir à faire cette présentation. Ils tendent la boîte de bonbons aux participant·e·s, qui peuvent goûter s’ils et elles le souhaitent. Puis circulent de la muscade, de la cannelle et autres poudres odorantes.

Par moments, un haut-parleur diffuse les sons animaliers d’une rizière au crépuscule ou une douce musique asiatique. Suivront d’autres petits trésors tels qu’un bol en terre cuite, un verre en cristal ciselé, des fleurs de coton ou encore des pierres semi-précieuses. « Des petites bricoles dénichées en brocante », précise Sabine Lorenz-Schmidt, médiatrice culturelle du Musée Ariana. Elles permettent d’évoquer habilement les précieux objets du musée, qu’il n’est bien sûr pas possible de sortir de ses murs. Certaines pancartes photographiques montrent toutefois quelques belles pièces de l’Ariana. De quoi donner envie de se rendre ultérieurement au musée. Son impressionnant bâtiment est d’ailleurs montré aux participants en version miniature, sous forme de photo imprimée sur un « pop-up » cartonné.

 

Adapté et participatif

Après la présentation, les participant·e·s sont invité·e·s à choisir un objet pour le dessiner. Leurs croquis seront mis en valeur en carte postale et formeront une mini-galerie. Les personnes ne souhaitant pas ou ne pouvant pas dessiner recevront l’une d’elles en souvenir. Une séance dure une à deux heures en fonction des possibilités de concentration du public. Il s’agit de petits groupes de quatre participant·e·s afin de privilégier les interactions, en fonction du mode de communication de chacun·e.

« Notre démarche est de travailler avec des personnes elles-mêmes en situation de handicap à toutes les étapes, de la conception à la réalisation », relève Kay Pastor, directrice de l’Atelier 1001 feuilles. « Nous avons des éléments pour répondre aux cinq sens, ce qui permet de s’adresser aussi aux personnes plus lourdement handicapées qui ne pourraient pas accéder aux informations par le verbe », souligne-t-elle. La malle a bénéficié du talent et de la minutie du scénographe Dimitri Delcourt.

Ce projet a bénéficié du soutien financier du département de la culture et de la transition numérique de la Ville de Genève. Après un démarrage officiel le 14 novembre au sein de l’établissement genevois de Clair-Bois, plusieurs visites dans d’autres établissements pour personnes en situation de handicap sont au programme.

Pour réserver une présentation : info@milleetunefeuilles.ch

 

L'animateur présente les pancartes au public.

Des pancartes montrent quelques précieuses pièces du Musée Ariana.