« Je voulais être acteur de mon inclusion »

Auteur

Lise Tran

Publié le

Au sein de l’équipe Atypique 3×3, variante du basketball traditionnel, on fait tout soi-même. Tandis que l’entraînement est assuré par plusieurs joueurs en alternance, l’un d’entre eux en assume la gestion administrative. Mais ce que ces basketteur·se·s aiment avant tout : jouer, se dépasser et pouvoir se mesurer à d’autres formations lors de compétitions ordinaires.

Les Halles sportives de Beaulieu à Lausanne abritent, à l’étage, deux vastes terrains de basketball. Ce lundi soir, l’équipe du Lausanne-Sport de basket 3×3, variante du basketball ordinaire, opposant deux équipes de trois joueur·se·s sur un demi-terrain, occupe une moitié de l’espace. L’entier de la salle est divisé en son centre par un espace fitness, où plusieurs personnes s’activent sur des machines, sous l’œil attentif d’un préparateur physique. « Alors, tout va bien, champion ? », lance celui-ci à Olivier Paccaud, qui nous a donné rendez-vous ce soir pour assister à l’entraînement d’Atypique 3×3, équipe qu’il a créée en septembre 2022.

« La plupart d’entre nous sommes sur le spectre de l’autisme. Nous avons des niveaux d’autonomie différents et des expériences variées dans le basket »

L’une des particularités de cette dernière ? Elle a été mise sur pied de A à Z par une personne en situation de handicap pour des personnes en situation de handicap : « La plupart d’entre nous sommes sur le spectre de l’autisme. Nous avons des niveaux d’autonomie différents et des expériences variées dans le basket », explique le jeune homme, également membre du comité d’insieme Vaud. La gestion administrative du club, les inscriptions aux tournois ou encore la coordination des participant·e·s reposent essentiellement sur les épaules d’Olivier Paccaud : « Quand j’ai lancé ce club, je voulais être acteur de mon inclusion et jouer un rôle direct », explique-t-il avec passion. Et de préciser que l’équipe est ouverte à tout le monde.

Olivier pPa

« Quand j’ai lancé ce club, je voulais être acteur de mon inclusion et jouer un rôle direct »

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Trois « coachs-joueurs » et autant de compétences différentes

On s’échange quelques mots et blagues, on prend des nouvelles des autres et on attend le dernier qui se change au vestiaire. Puis, Alexander, David, Enrique, Olivier et Wiley se répartissent sur le demi-terrain. Assuré chaque semaine en alternance par trois participants en mode double casquette « coach-joueur », l’entraînement de ce soir débute par un échauffement des chevilles, puis des genoux.  « A la fin, on fait des 3 contre 3, si on est assez », explique Enrique, en charge de l’entraînement pour cette session. La composition de ce dernier, les exercices choisis ainsi que le coaching varie en fonction des compétences de l’entraîneur désigné. Si Enrique est plus axé « exercices physiques », Olivier insiste davantage sur la technique. Tandis que Vincent, absent ce soir-là, est plus orienté « situations de match ».
 
« Comment vous vous êtes sentis après le dernier entraînement ? Si vous n’étiez pas épuisés, ce n’est pas bon signe ! », lance Olivier à ses coéquipiers, en plein échauffement. On passe à l’exercice suivant, la pratique du lay-up, « on tire à courte distance en se déplaçant vers le panier », nous explique Wiley. Ceux qui n’ont pas le ballon se postent d’un côté du panier, bondissant vers ce dernier pour le récupérer lorsque le point est marqué, formant une sorte de ballet rapide dans lequel les joueurs se croisent sans cesse. « Combien de lay-ups ratés ? », interrompt d’un coup de sifflet sec le coach Enrique. Ce n’est pas encore le moment de se laisser aller. Tous entament une série de pompes avant de prendre enfin une pause. David en profite pour lancer la musique. 
 

« Quand on discute, on sent de l’intérêt. Et même du respect »

Ce soir, il n’y a pas de femme à l’entraînement. Comment expliquer ce manque de mixité ? « Quand on est en situation de handicap, on n’est pas toujours encouragé à pratiquer du sport de manière intensive. Lorsqu’on est une femme, on l’est peut-être encore moins », glisse Olivier Paccaud en guise d’explication. Et d’ajouter qu’il souhaiterait plus de mixité.

Quand on est en situation de handicap, on n’est pas toujours encouragé à pratiquer du sport de manière intensive. Lorsqu’on est une femme, on l’est peut-être encore moins »,

Le basket, le jeune homme au bénéfice d’une Attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) l’a tout d’abord pratiqué au club du Riviera Basket Adapté (RBA) de Vevey, où il joue toujours et avec laquelle il participe au championnat organisé par Special Olympics Switzerland (SOSWI). « Le jeu est plus lent dans une équipe SOSWI. Avec Atypique 3×3, on joue contre des équipes ordinaires lors de tournois. Nous n’avons pas encore eu de victoires, mais nous arrivons à nous adapter », explique Olivier Paccaud.

Le jeu est plus lent dans une équipe SOSWI. Avec Atypique 3×3, on joue contre des équipes ordinaires lors de tournois. Nous n’avons pas encore eu de victoires, mais nous arrivons à nous adapter »

Comment cette équipe atypique est-elle perçue par les autres clubs ? S’ils ne cachent pas leur handicap, les joueurs ne vont pas « jouer là-dessus », explique-t-il. Et de préciser : « On intrigue. Quand on discute, on sent de l’intérêt. Et même du respect. » C’est justement après la participation à un tournoi à Montreux que le Lausanne-Sport 3×3 a entendu parler d’Atypique 3×3 via les réseaux. La team A lausannoise veut donner un coup de main : elle met alors gratuitement la salle à disposition d’Olivier et de ses coéquipiers pour leurs entraînements.

Le prochain projet ? Devenir une association

Sur le terrain, les joueurs ont désormais formé des duos. L’un d’eux doit tenter de tirer, tandis que l’autre l’en empêche. « L’important, c’est le démarquage, que David a bien fait », commente Enrique. Puis, Alexander et Olivier affrontent David et Wiley lors d’une série de tirs à partir de cinq positions différentes. La première équipe qui marque remporte 3 points. Après une heure d’entraînement à ce rythme, les matchs en 2×2 peuvent commencer : « On fait deux temps morts pendant le match. On essaie de les faire en temps réel », nous explique Enrique. Les joueurs se répartissent à nouveau sur le terrain pour se donner à fond pour cette dernière demi-heure de jeu. « Nous sommes tous des compétiteurs dans cette équipe, on a envie de montrer ce qu’on vaut ! », lâche Olivier Paccaud. Si, à ses yeux, le handicap peut parfois avoir un impact sur la concentration, il peut aussi agir comme un booster : « Depuis petits, nous avons l’habitude de faire face à des difficultés. On se décourage moins vite et on a moins peur de la confrontation », se réjouit le fondateur d’Atypique 3×3, dont le prochain chantier est de structurer le club et de le transformer en association. •