Le 17 août, plusieurs citoyen·ne·s vivant avec un handicap mental avaient rendez-vous au Palais fédéral. Dans la cadre de la campagne insieme #JeVote, ils et elles y ont interviewé des personnalités politiques. Ces échanges seront diffusés sur les réseaux sociaux dès la mi-septembre. Reportage dans les coulisses du tournage.
Pierre Weber, la soixantaine, a fait le voyage en train depuis Lausanne. Le rail est sa grande passion : avec son abonnement général, il aime monter à bord d’un train et partir se promener dans les montagnes. Mais aujourd’hui, il n’est pas question de marche… mais de politique. A 8h45, cet autoreprésentant et membre du comité d’ASA Handicap mental nous attend devant le Palais fédéral à Berne, lieu de notre rendez-vous. Stressé à l’idée d’interviewer la conseillère nationale Jacqueline de Quattro (VD/PLR), candidate à sa réélection cet automne ? Pas vraiment.
Une semaine plus tôt, Pierre a eu l’occasion de se préparer mentalement à cet entretien lors d’un atelier organisé par insieme. Il a également pu y formuler les questions qu’il souhaitait poser à la parlementaire. Six personnalités politiques au total avaient répondu à l’appel d’insieme : être interviewé·e·s par des citoyen·ne·s vivant avec un handicap mental.
Cette action s’inscrit dans la campagne insieme #JeVote, qui veut sensibiliser l’opinion publique à la participation politique des personnes vivant avec une déficience intellectuelle.
En ce jour de tournage de la mi-août, le Palais fédéral n’est pas épargné par la chaleur. Pour ne pas briller devant la caméra, Pierre Weber passe tout d’abord entre les mains de la maquilleuse.
Moi c’est Jacqueline, ça va comme ça ?
Puis, autour d’un café, nous avons encore un peu de temps devant nous pour revoir les questions qu’il posera à Jacqueline de Quattro. « Moi c’est Jacqueline, ça va comme ça ? », lance la parlementaire, à peine arrivée dans la « Zimmer 1 » du Palais fédéral, à son interlocuteur. Lequel répond aussitôt : « Moi c’est Pierre ». Cut, le tournage peut démarrer.
« Puis, je suis sorti de l’institution… Cela fait presque 40 ans que je suis dehors. Ma requête, c’est d’être libre », se livre Pierre devant la caméra, de manière très touchante. Entre l’autoreprésentant et la parlementaire, le courant semble bien passer. Ils sont d’ailleurs de la même génération et vaudois tous les deux.
Levée de curatelle, discrimination, droit de vote : les thèmes abordés par Pierre se font plus politiques au cours de la discussion. Finalement, une heure d’entretien ne sera pas suffisante : la discussion se poursuivra plus tard en privé, au Grand Café de la Galerie des Alpes, attenant à la salle de tournage.
« Puis, je suis sorti de l’institution… Cela fait presque 40 ans que je suis dehors. Ma requête, c'est d’être libre »
Pierre Weber, protagoniste de la campagne #JeVote
A peine l’entretien terminé qu’il laisse la place à deux autres protagonistes : Olivier Marti et la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider. Mais ce n’est pas la première fois qu’ils se rencontrent. Le hasard faisant bien les choses, les deux Jurassiens s’étaient déjà croisés lors d’une soirée du Parti socialiste, au cours de laquelle Olivier Marti, qui travaille dans la restauration, avait eu l’occasion de servir la conseillère fédérale.
« Vous qui m’avez vu deux fois, diriez-vous que j’ai un handicap ? », lui lance d’ailleurs le jeune homme. L’échange est plus formel que le précédent. Mais il laisse toutefois la place à quelques moment plus surprenant, comme lorsque la conseillère fédérale demande à son interlocuteur s’il a déjà songé à se porter candidat sur une liste. En fin de tournage, nous posons pour un selfie.
Puis, Olivier Marti enchaîne un entretien avec un journaliste du Temps. « Pouvoir nous exprimer et dire nos besoins, c’est une porte qui s’est ouverte », déclare-t-il au quotidien en parlant de la campagne insieme #JeVote.
Pouvoir nous exprimer et dire nos besoins, c’est une porte qui s’est ouverte
Olivier Marti, protagoniste de la campagne #JeVote
Pendant ce temps, Sabrina Gaetani, soleuroise travaillant dans un atelier protégé succède à Olivier Marti. A la question de la conseillère fédérale qui souhaite connaître son salaire, elle répond, en dialecte bernois : « Environ 4 francs de l’heure. Les salaires sont extrêmement bas dans les ateliers protégés. »
En fin d’après-midi, Suad Dahir Ahmed, de Zurich et le président grison du Conseil national Martin Candinas, qui a initié la première session des personnes handicapés en mars, concluent ce marathon de discussions. La jeune femme lui explique qu’elle aimerait défendre ses intérêts en politique. Puis lui demande de quelle manière s’y prendre. Après lui avoir conseillé de commencer au niveau communal, il lui propose, spécialement pour elle, une courte visite du Palais fédéral. Ce qu’elle accepte avec enthousiasme.
Au fil de la journée, six personnes en situation de handicap se sont entretenues durant près d’une heure avec autant de personnalités politiques. De ces entretiens, seuls les « meilleurs » passages seront sélectionnés et diffusés sur les réseaux sociaux dès la mi-septembre.