Une vie sans téléphone portable est aujourd’hui à peine imaginable, en particulier pour les jeunes. Téléphoner, envoyer des messages vocaux et des sms, voir la météo, lire un horaire, écouter de la musique et regarder des films. Sans parler de l’attrait infini des réseaux sociaux – un défi pour les familles.
Ses écouteurs pendent autour de son cou et sur son pull à capuche rose, elle saisit amoureusement son téléphone portable et regarde l’écran, pleine d’espoir. Sarah Gerber a 20 ans et possède un téléphone depuis dix ans. Au début, quand elle était dans une école spécialisée, elle l’utilisait pour écouter de la musique et regarder des films, mais aussi pour calculer. Et aujourd’hui ? « Je l’utilise pour téléphoner à mon petit ami et pour des enregistrements vocaux. Je les lui envoie par WhatsApp. Et j’adore écouter de la musique. Pour ça, j’utilise YouTube », raconte-t-elle.
Les parents de Sarah sont ouverts aux médias numériques et en voient aussi les aspects pratiques : « Grâce au téléphone, nous pouvons la joindre, et elle peut à tout moment nous contacter s’il y a quelque chose », dit sa mère, Ursula Gerber. « Quand Sarah est entrée à l’école professionnelle à 16 ans, elle devait prendre les transports publics, et elle m’appelait si elle rencontrait un problème. Si le bus arrivait en retard, si elle ne trouvait pas l’arrêt ou ne comprenait pas l’horaire, je pouvais l’aider par téléphone. » Les parents ont configuré son téléphone et ont téléchargé WhatsApp, YouTube et d’autres applications. Mais ils sont prudents face aux plateformes de réseaux sociaux. « Je lui ai expliqué dès le départ que Facebook et Instagram n’étaient pas pour elle », explique le père, Thomas Gerber. « Car elle est trop crédule et ne voit simplement pas les dangers. Nous parlons de tout avec Sarah, elle sait que nous n’avons ni peur des contacts, ni tabous, elle peut venir nous voir pour quoi que ce soit. Son ami est autorisé à dormir avec elle, nous l’avons aussi emmené en vacances. »
Tentations et dangers
Sarah a certes une vie hors des médias numériques. Elle danse dans le groupe de danse hip-hop de Niederlenz (AG), et elle est active dans un groupe d’escalade de PlusSport Lenzburg, où elle a rencontré son compagnon. Après une année de préparation professionnelle, elle travaille maintenant dans la fondation « Orte zum Leben ». Internet exerce toujours un irrépressible attrait pour la jeune femme, particulièrement quand elle est de mauvaise humeur ou énervée par quelque chose. Malgré les avertissements de ses parents, elle s’est secrètement configuré un compte Facebook avec l’aide de quelqu’un. Pourquoi ? « Sur Facebook, je cherche de nouveaux copains pour ne pas être seule. J’écris : ‘je cherche des copains sympas. Seulement de l’amitié’. Je fais aussi des selfies. » Son compagnon n’est pas sur Facebook. Il ne parle pas beaucoup. Pas assez, estime-t-elle. « Je cherche quelqu’un à qui parler. » C’est pourquoi elle accepte toutes les demandes d’amitié sur Facebook.
Pour les parents, Facebook est désormais une bête noire. Aucun des deux n’est actif sur les réseaux sociaux. Le père raconte un incident qui l’a durablement ébranlé : « Une fois, Sarah a convenu d’un rendez-vous sur Facebook, et l’homme est venu. Mais il s’est parqué à 300 mètres de notre maison. Quand il s’est trouvé devant chez nous, il a téléphoné à Sarah pour lui dire de venir. Nous étions dans le jardin et avons entendu soudain la porte d’entrée claquer. Nous avons été voir, Sarah était partie. Nous l’avons immédiatement cherchée, et notre voisin les a trouvés tous les deux près de l’auto de cet homme, avant qu’elle n’y monte. Il a parlé à cet homme et il a ramené Sarah à la maison. Par chance ! Qu’est-ce qui serait arrivé si elle était montée ? » Sarah trouve ses parents trop stricts. Oui, elle a dit à l’homme de venir la chercher à la maison. « Parce que je l’ai trouvé beau. Il était aussi gentil. Nous avons beaucoup discuté. J’avais une totale confiance. Non, je n’avais pas peur. »
Le père contrôle de temps en temps le téléphone de Sarah. Une fois, il a ouvert sa galerie de photos. « Je me suis presque senti mal quand j’ai vu les photos de ces affreux types ! Il y a même des hommes de 55 ans qui lui demandent de leur envoyer des photos d’elle », dit-il, songeur. « Elle trouve tous ces hommes beaux et gentils ! » Il essaye sans cesse de lui démontrer les dangers d’internet, mais elle ne l’écoute pas. « Elle me reproche de ne pas la laisser avoir des amis. »
Apprendre un comportement responsable
A l’école spécialisée, Sarah n’a jamais rien appris quant à l’utilisation des médias numériques. Ses parents souhaiteraient qu’elle puisse au moins fréquenter un cours à ce sujet. « Elle devrait apprendre à se comporter de manière responsable avec ça. Peut-être qu’elle entendrait mieux quelqu’un de l’extérieur que nous. Nous sommes trop proches et nous nous mêlons toujours de ses affaires, comme elle dit. »
Quelques associations comme insieme et Pro Infirmis proposent des cours sur l’utilisation des médias, mais pas une formation globale. Le pédagogue spécialisé et expert en pédagogie des médias Achim Hättich, qui a réalisé une étude sur ce thème, plaide pour que cela devienne une matière scolaire comme la lecture et l’écriture. Par ailleurs, insieme et plusieurs partenaires ont publié une brochure de conseils pour les parents et les accompagnants, qui peut être téléchargée plus bas.
Cet article est paru dans le magazine insieme de juin 2019.